
Bilan de la conférence EIAH, 28-31 mai 2013
IRIT, Univ. Paul-Sabatier, Toulouse
Allocution de clôture du colloque
Par Christophe Choquet (LIUM, Univ. du Maine) et Philippe Dessus (LSE, Univ. Grenoble Alpes), présidents du Comité de programme
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À l’issue de la 6e édition de la conférence EIAH nous pouvons tenter de faire quelques bilans… Tout d’abord, et pour ne pas laisser plus de suspense. La séance de clôture d’une conférence est parfois l’occasion de remettre le prix de la meilleure communication. Pas ici : en concertation avec le Comité d’organisation, nous avons estimé que cela était bien plus pertinent à l’occasion des RJC EIAH qu’ici…
Hormis l’exposé de Cristina Conati de ce matin, le temps fort de cette édition était une controverse sur les réalités du travail pluridisciplinaire. Nous avons été nombreux à interagir avec les débatteurs, ce qui prouve bien que ce thème est encore une de nos préoccupations majeures. Sans tomber dans l’auto-flagellation, nous sommes tombés d’accord pour reconnaître que le travail de préfiguration de la recherche, et notamment de celle des doctorants, n’était pas assez assumé par les seniors, directeurs et encadrants de thèse. Nous avons aussi conclu sur l’absolue nécessité d’expliciter nos objets de recherche et de communiquer sur eux, pour témoigner de leur complexité. De plus, un conseil aux prochains présidents de la conférence : ne prenez pas deux fanas de rugby comme débatteurs : c’est fatiguant… et ils sont, par définition, copains comme cochons…
Un mot encore sur le déroulement de cette édition avant de consacrer ces quelques minutes à lister les quelques éléments de synthèse des débats que nous avons pu dégager. Nous avons voulu privilégier la cohérence thématique des sessions plutôt que le format de communication. Nous avons donc décidé d’insérer les démonstrations dans les sessions de communications de recherche. Si dans l’ensemble cela a été très positif et a permis de nombreux échanges autour des dispositifs présentés, il faudra certainement mieux préciser la nature des communications si cette option est retenue dans la prochaine édition.
Ce bilan est composé de deux parties. La première est une synthèse des contributions réparties en sept thématiques, pour lesquelles, tour à tour, nous allons donner les questions principales qui ont été débattues et les verrous qui paraissent subsister. La seconde est une collection de « petites phrases », entendues pendant les différentes présentations ou questions/réponses, et qui permettent de capturer un peu de l’ambiance de cette édition du colloque.
Synthèse des contributions
Venons-en à la synthèse des contributions. Nous les avions réparties en 13 sessions de présentation (plus une session consacrée aux posters). Nous avons pu isoler sept grandes thématiques :
- l’analyse des usages des EIAH et des dispositifs d’apprentissage ;
- les jeux sérieux, considérés du point de vue de l’enseignant comme de l’élève ;
- ce qui a trait au diagnostic, des connaissances, de l’activité, émotionnel, pour l’aide à l’usager (élève ou enseignant) et/ou l’évaluation ;
- l’ingénierie pédagogique, notamment en lien avec la notion de scénario pédagogique ;
- l’étude des dispositifs d’apprentissage en ligne, essentiellement par leur impact social et leur usage ;
- la collecte, la modélisation et l’analyse des traces ou, plus largement, de données d’observation ;
- l’apprentissage mobile.
1-1 Analyse d’usages – 3 communications
Question : Reproductibilité de l’approche d’analyse et des résultats sur d’autres contextes (en faisant varier la plate-forme, le niveau des apprenants, etc.) ? Et le problème corollaire de la caractérisation du contexte d’expérimentation…
Verrous : Comment faire participer les acteurs de l’analyse d’usages aux autres phases du cycle de vie de l’EIAH ? Cette question est pointée comme importante pour améliorer la collaboration entre chercheurs et la qualité de l’analyse d’usages (vs. les choix de conception).
1-2 et 3-2 Jeu sérieux – 3 communications et 2 démos
Questions : Rendre les enseignants auteurs par l’appropriation. Faciliter la conception de JS et/ou la personnalisation.
Verrou. Problème du manque de motivation des enseignants pour la conception du ressort ludique.
1-3, 2-4 et 3-1 Diagnostic-Aide-Evaluation – 8 communications
Question : Plusieurs approches assez tranchées (par exemple, les approches cognitives ou par analyse de parcours par des graphes) amenant des solutions et des méthodes un peu difficiles à comparer et à synthétiser. Il y a une volonté de plusieurs contributions d’aborder le diagnostic du point de vue de son ingénierie. Mais aussi, certains affirment la nécessité de mettre en œuvre des solutions simples pour l’utilisateur. Sinon, les objectifs sont multiples : faciliter le diagnostic, faire de l’adaptation de situations d’apprentissage, générer des rétroactions. Et dans plusieurs contextes : apprentissage collaboratif, diagnostic temps réel, analyse post-session, etc.
Verrous. Les techniques peuvent-elles être réutilisées ? Le coût des solutions sur le plan computationnel ou sur le temps requis pour la modélisation paraît important.
1-4, 1-5 et 1-6 Modèles et outils d’ingénierie pédagogique (5 communications et 2 démos)
Questions : Des questions de recherche qui ne sont plus forcément focalisées sur les langages de scénarisation :
- Comment générer de l’évaluation automatique ou semi-automatique ?
- Liens entre la scénarisation et le diagnostic de l’activité de l’apprenant.
- Conception et opérationnalisation des scénarios pédagogique (génie logiciel par patrons, DSM, VIDL).
Verrous : Quid de la qualité des exercices d’(auto)-évaluation générés (semi-) automatiquement ? Comment prendre en compte le contexte d’un diagnostic d’activité et notamment la structure et les particularités du scénario pédagogique ?
Faire le lien entre les spécificités du métier des enseignants et les possibilités des plates-formes.
2-1 Dispositifs d’apprentissage en ligne (3 communications)
Cette session regroupait des contributions sur des démarches d’ingénierie pédagogique basées sur l’introduction d’un nouveau dispositif d’apprentissage en ligne (qu’il soit innovant ou pas) et de l’analyse du retour d’usage.
Question. L’innovation dans les pratiques questionne la recherche en EIAH. Pour autant l’introduction d’un nouveau dispositif en ligne constitue-t-elle en soi un objet de recherche ?
2-2 et 2-3 Traces et données d’observation (3 communications et 2 démos)
Là aussi, les motivations de recherche sur ce thème sont variées et ne permettent pas une synthèse facile. On peut en revanche noter la forte préoccupation de partage de l’analyse de traces, parfois pour le benchmark, d’autres fois pour la reproductibilité des solutions dans d’autres contextes. En plus de la préoccupation assez classique d’inférence de caractéristiques individuelles d’apprenants (styles d’apprentissage, processus d’auto-régulation) à partir de l’analyse de traces. On a pu découvrir des motivations ou des approches plus originales, comme les suivantes :
- l’utilisation des traces pour l’administration dans la durée d’une plate-forme de formation de formation universitaire
- ou la prise en compte de traces déclaratives pour différentes utilisations (auto-régulation individuelle ou sociale).
3-2 Apprentissage mobile (2 communications)
Questions : de façon un peu paradoxale, cette thématique génère des interrogations sur la conciliation du contrôle pédagogique par l’enseignant avec la liberté inhérente à l’apprentissage mobile. Un auditeur résumait : « comment peut-on payer le prix de la flexibilité qui est offerte ? »
Verrous : Appropriation par l’enseignant de l’introduction de l’apprentissage mobile dans une classe. Comment intégrer les différences de contexte et de modalités et le contrôle pédagogique ? La gestion de la délocalisation et de la mobilité rend la planification de l’orchestration pédagogique très complexe.
Des petites phrases
Pour finir, nous avons pu glaner ça et là des « petites phrases », issues des présentations ou des questions des participants, que nous avons classées par thème, et qui ont défilé tout au long de la présentation du bilan. Les voici :
L’interdisciplinarité
- Pourquoi collaborer avec d’autres disciplines ? Il y a déjà beaucoup à faire avec la psychologie ?
- Une conception participative, qu’est-ce que c’est ?
- Ça devient une question interdisciplinaire quand les collègues ne peuvent pas comprendre la question.
Des métaphores
- Dans mon environnement personnel d’apprentissage il y a une cafetière.
- C’est un peu comme une corde avec 2 bouts ; j’ai l’impression que vous ne traitez qu’un bout de la ficelle : la plate-forme Moodle.
- La la ! Ma question c’est La la !
- Quand je vais à la charcuterie, j’explique pas au charcutier comment couper la viande.
Questions naïves
- Comment faire pour avoir l’histoire de l’apprenant ?
- Qu’est-ce que vous entendez par scénario ?
- Les retours d’utilisateurs ? Vous en avez eu ?
- Tu dis que tu collabores avec des informaticiens, ça veut dire quoi ?
- Je pensais naïvement qu’un modèle de l’apprenant était un modèle cognitif ?
Le regard de l’enseignant
- En tant qu’enseignante, je ne vois pas quelles fonctionnalités vous proposez ?
- Les questions d’éducation, tout le monde a un avis dessus.
- Les tests de compétence sur machine sont-ils vraiment différents de ceux que les enseignants font d’habitude ?
- L’enseignant doit passer derrière les élèves qui marchent bien... ce qui lui fait perdre du temps.
Questions pointues
- Pourquoi utiliser les KNN, qui sont lents ?
- On peut scripter la fermeture/ouverture de collaboration ?
Un tout petit monde
- Quand est-ce qu’il faut faire de l’EIAH ? Une fois qu’on a eu le poste.
- C’est l’institution qui a choisi de manière autoritaire la plate-forme de l’université.
Nuance !
- Ce n’est pas que la question a été mal posée, c’est la réponse qui a été mal donnée !
- Quand un étudiant écrit : "il pue" [dans le portfolio] on change l’[évaluation].
- Ca marche mieux avec Astus : ça été mesuré ou bien est-ce une impression ?
- Peut-être que c’est trop les doctorants qui font la recherche et pas assez les chercheurs.
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Ces éléments de synthèse des débats de la conférence sont issus des notes que nous avons prises durant les sessions. Il est donc tout à fait probable et souhaitable qu’ils méritent d’être complétés par vos propres réflexions. N’hésitez donc pas à rejoindre le groupe ATIEF de LinkedIn pour partager vos commentaires.
Au nom des comités de programme et d’organisation, pour les conférenciers ayant présenté leurs travaux, nous remercions l’ensemble des participants à la conférence d’avoir fait de cette édition EIAH’2013 un riche moment d’échanges au sein de notre communauté. Christophe Choquet et Philippe Dessus
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